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Des faits analogues se produisent constamment, ne nuisent à personne, sont avantageux pour le Mont-de-Piété et permettent à des personnes momentanément gênées de continuer à vivre de leur travail. Cette mission très-importante du Mont-de-Piété, il ne l’a pas cherchée : c’est la force même des choses qui la lui a imposée ; c’est le petit commerce qui vient naturellement vers lui, attiré par la confiance qu’il inspire, par la rectitude de ses opérations et surtout par les avantages qu’il offre aux emprunteurs de cette catégorie, qui sans lui payeraient plus de 40 pour 100 les avances dont ils peuvent avoir besoin. Cette clientèle est tellement nombreuse qu’elle suffirait à alimenter le Mont-de-Piété, de même que le Mont-de-Piété suffit aux nécessités de l’existence et de la production de celle ci. Aussi, lorsque les affaires s’arrêtent, le Mont-de-Piété est immédiatement paralysé et n’est plus qu’un garde-magasin.

Une autre partie de sa clientèle ordinaire, — bien moins importante, — est formée de ce que j’appellerai les gens de plaisir, femmes galantes, joueurs, étudiants, ouvriers débauchés qui vont chez ma tante, c’est là le mot familier, afin d’avoir de l’argent qui permette aux uns d’aller au théâtre, aux autres de ressaisir les cartes et la veine, aux troisièmes d’ajourner l’heure des examens, aux derniers enfin de prolonger le « lundi » pendant toute la semaine. Les dégagements de ces emprunteurs se font très-irrégulièrement pour les filles et les joueurs, qui attendent toujours la bonne aubaine ; pour les étudiants, c’est au retour des vacances ; pour les ouvriers, c’est le dimanche matin qui suit le samedi de quinzaine où l’atelier a reçu sa paye.

En général, des engagements assez considérables sont opérés par les joueurs, qui, pour faire face à ce que l’on nomme une dette d’honneur, ne se font pas faute de mettre la main sur les diamants de leur femme ou d’une