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de soleil en été, on est en train de faire un jardin maraîcher d’une fertilité inexprimable, grâce à nos eaux d’égouts que l’on y conduit et que l’on y distribue. L’expérience dure depuis le 1er mai 1869 ; elle est décisive et concluante. Les détritus de Paris sont une richesse agricole de premier ordre ; ils transmuent le sable en terre promise.

À l’embouchure même du grand collecteur, un puisard est creusé qui reçoit une partie des eaux de la cunette. Deux siphons, animés par une machine à vapeur de quarante chevaux, aspirent les eaux, qui s’engagent dans une conduite de fonte. Celle-ci suit le chemin de halage, traverse la Seine aux îles Robinson et Vaillard sur le pont de Clichy, prend le chemin d’Asnières à Saint-Denis et aboutit à un large réservoir en pierres meulières qui s’élève comme une tour trapue à l’entrée des terrains nommés les Grésillons. Le réservoir se vide méthodiquement dans un canal droit qui ressemble à une petite digue construite parallèlement à la rivière ; la même opération se fait en face de l’île Saint-Ouen, où un siphon amène les eaux du collecteur départemental ; l’égout venu d’Asnières, l’égout venu de Saint-Denis se rencontrent et se mêlent dans le canal, qui est la grande artère où coule la fécondité. Ce canal est le principe et le maître de l’irrigation. Tous les cannelets et toutes les rigoles d’arrosement viennent s’y brancher ; il suffit de lever une petite vanne pour que l’engrais liquide se répande sur les terres voisines, qui l’absorbent, se modifient et acquièrent une telle valeur, que l’hectare se loue actuellement 600 francs par année.

L’eau d’égout ainsi distribuée donne par évaporation un terreau noir absolument inodore et d’une richesse extrême. On s’attend, en parcourant ces jardins maraîchers exploités et couverts de verdure, à être saisi au passage par des senteurs d’un aloi douteux ; nulle odeur,