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grais et que le commerce peut facilement utiliser, les alcalis, les phosphates, l’azote, représentant une valeur minima de 15 millions, sont entraînées par la Seine qui les jette à la mer. Donc obstacle à la libre navigation du fleuve, dépenses forcées, pertes de produits chimiques dont la valeur est considérable ; c’était là une situation à la fois fausse et maladroite, dont il fallait savoir se tirer avec honneur. On en est sorti par un trait de génie, en créant une œuvre nouvelle très-grandiose, très-simple, démocratique au premier chef, qui a déjà donné des résultats surprenants.

L’espace de terrain enveloppé par l’énorme second coude que fait la Seine en se repliant sur elle-même depuis Neuilly jusqu’à Chatou, s’appelle la presqu’île de Gennevilliers. Il est difficile de rencontrer des terres plus stériles ; c’est le pays de prédilection des orties, du chardon et de la petite euphorbe ; sable et cailloux à peine recouverts d’une mince pellicule de terre végétale qui ne peut même conserver l’humidité que la pluie lui apporte, car l’eau pénètre immédiatement le lit de gravier et y disparaît. Les noms que l’on a donnés aux divers lopins qui divisent cette vaste plaine prouvent combien elle est improductive : les Grésillons, le Trou aux Lapins, l’Arbre sec, le Fossé blanc, l’Échaudé, la Grosse Pierre. Quelques chasseurs d’alouettes s’y hasardaient de temps en temps et y faisaient étinceler le miroir.

L’hectare se louait en moyenne de 78 à 86 francs par année. On y cultivait, tant bien que mal, des betteraves qui faisaient volontiers figure de navets ; lorsqu’elles atteignaient un poids de 700 grammes, on criait au miracle. C’était une sorte de petit désert ; on eût dit que le vent mortel que les Arabes appellent semoun, — les poisons, — avait soufflé là. De cette plaine maudite où l’on ne récoltait que des coups de vent en hiver et des coups