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jusque dans les boutiques et dans la cour des maisons ; les égouts, immédiatement comblés, rejetaient l’eau qu’ils ne pouvaient plus contenir ; les commissionnaires, les porteurs d’eau, les charbonniers tiraient bon parti de ces torrents, qui interrompaient toute communication ; ils accouraient, pataugeant dans l’eau boueuse, portant sur leur épaule une énorme planche montée sur roulettes ; ils posaient celle-ci aux carrefours, aux endroits où deux rues s’entre-croisaient, et, moyennant un sou, il était permis de traverser à pied sec. Il y avait une phrase qui était de tradition chez ces braves gens, plus gais parfois qu’il n’aurait été convenable ; selon qu’ils avaient affaire à une femme jeune ou vieille, ils lui disaient en lui offrant la main : « Passez, beauté, » ou « Beauté, passez. » — Carle Vernet a pris cette scène pour sujet d’un de ses dessins populaires[1].

Ce qu’étaient les égouts à cette époque, on le sait, et il est bon de le dire, ne serait-ce que pour faire mieux apprécier les progrès que nous avons accomplis dans cette matière si importante à la vie urbaine. Il existait, rue Amelot, un égout voûté de 850 mètres de long ; commençant à la descente du boulevard Beaumarchais, il se rendait à la gare de l’Arsenal : dans le principe, c’était un ruisseau qui aboutissait en Seine à l’endroit où le boulevard Mazas prend naissance. Vers la fin de la Restauration, les exhalaisons qui s’en dégageaient devinrent si insupportables, qu’il fallut aviser à le curer. Les sept premiers ouvriers qui essayèrent d’y descendre tombèrent asphyxiés. C’était de quoi décourager les autres. L’Académie des sciences et l’Académie de médecine furent consultées et elles déléguèrent le docteur Parent-Duchâtelet pour surveiller l’opération et,

  1. La légende de l’estampe de Carle Vernet porte : Passez, payez.