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mauvaises années venaient, la vieille monarchie, malgré ses grandioses apparences, allait s’appauvrissant de jour en jour ; on ferma l’oreille aux doléances, on éconduisit les bourgeois, et rien ne fut changé.

On peut voir le trajet du ruisseau de Ménilmontant sur le plan de Gomboust (1652) : des talus de terre en forment les rives et sont plantés d’arbres ou de haies ; il reçoit, comme des confluents immondes, l’égout qui vient de la rue des Égouts, située entre la rue Saint-Martin et la rue Saint-Denis, l’égout Montmartre, l’égout Gaillon, qui bientôt sera la rue de la Chaussée-d’Antin. Il traverse des jardins, des marécages où il bave et où chantent les grenouilles ; la rue Chanteraine en garde le souvenir[1]. Nulle maison sur les bords ; il souffle la peste et chacun le fuit.

En s’installant à Paris et en y maintenant le jeune roi, la régence prépara l’assainissement et l’agrandissement de la ville plus que tous les règnes précédents. L’intérêt personnel mis en jeu fit des efforts qu’on n’aurait jamais pu obtenir du corps timide des échevins. La cour avait suivi Louis XV ; les seigneurs et quantité de personnages trouvaient difficilement à se loger dans une ville devenue presque exclusivement bourgeoise depuis que

  1. L’orthographe usitée « Chantereine » est vicieuse ; il faut écrire « Chanteraine » (Rana, grenouille). La rue remplaçait la ruellelte au marais des Porcherons ; cela seul serait une indication suffisante, mais les noms de Chanteraine, Canteraine sont fort communs en France et s’appliquent toujours à des localités situées prés d’étangs, de marécages, de prairies où les raines chantent. Sous le Directoire on lit la même confusion ; l’arrêté suivant en est la preuve : « L’administration centrale du département, considérant qu’il est de son devoir de faire disparaître tous les signes de royauté qui peuvent se trouver encore dans son arrondissement ; voulant aussi consacrer le triomphe des armées françaises par un de ces monuments qui rappellent la simplicité des mœurs antiques ; ouï le commissaire du pouvoir exécutif, arrête que la rue Chantereine prendra le nom de rue de la Victoire. » Séance du 8 nivôse an VI. On sait que le général Bonaparte habitait la rue Chanteraine ; l’arrêté départemental était une flatterie à l’adresse du vainqueur qui venait de signer le traité de Campo-Formio.