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pour éviter qu’un refroidissement trop prompt n’amène des accidents. Grâce à ces précautions, les cornues ne sont jamais brisées ; je les ai vues sortir du four encore tièdes, jaunes comme de la paille, sonores sous le doigt, cuites à point et aptes à supporter sans faiblesse les feux qui les attendent dans les ateliers de distillation.

Ces ateliers sont une immense halle rouge et noire, feu et charbon : énormes fourneaux en briques réfractaires d’où s’élancent des tuyaux de fonte ; on n’y entend que le ronflement des flammes et le raclement des pelles sur le pavé. La chaleur n’y est pas positivement tempérée ; on y rôtit. Équipe de jour, équipe de nuit, cela n’arrête jamais. Paris est un gros brûleur de gaz, il faut savoir ne pas se reposer, si l’on veut lui en fournir à discrétion. Haletants, en nage, toujours en action, des hommes surveillent la grande machine incandescente, et, comme des salamandres, semblent se jouer à travers les feux. Lorsque tous les fourneaux sont en activité, c’est un spectacle grandiose, et je suis surpris qu’il n’ait encore tenté aucun peintre de talent.

La halle abrite huit batteries ; chaque batterie est composée de seize fours, chaque four contient sept cornues. L’énorme foyer, — un volcan, — est alimenté avec du coke. Lorsque à l’aide d’une longue gaffe en fer on ouvre la porte d’un des fourneaux, on aperçoit une masse éclatante et vermeille, piquée de points lumineux d’une insupportable blancheur : de l’or en fusion. Sur la face extérieure des fours apparaissent des parties saillantes en fonte : ce sont les têtes des cornues, fermées à l’aide d’un obturateur qui à la forme d’un bouclier et qui oblitère hermétiquement l’ouverture. De chaque tête de cornue part un tuyau particulier qui, après avoir dépassé ce que l’on pourrait appeler le toit de la batterie, se coude et va aboutir dans une sorte de