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abords faciles. « Il y a, dit Sterne, un passage fort long et fort obscur qui va de l’Opéra-Comique à une rue fort étroite. Il est ordinairement fréquenté par ceux qui attendent humblement l’arrivée d’un fiacre, ou qui veulent se retirer tranquillement quand le spectacle est fini. Le bout de ce passage, vers la salle, est éclairé par une petite chandelle, dont la faible lumière se perd avant qu’on arrive à l’autre bout. Cette chandelle est peu utile, mais elle sert d’ornement ; elle paraît de loin comme une étoile fixe de la moindre grandeur : elle brûle et ne fait aucun bien à l’univers. » Si les environs d’un théâtre à la mode étaient éclairés de la sorte, que penser du reste de la ville ?

Ce fut un peu plus tard, en 1766, que parurent les premiers réverbères pour l’invention desquels des lettres patentes avaient été délivrées, le 28 décembre 1745, à l’abbé Mathérot de Preigney et à Bourgeois de Château-Blanc. Une mèche de coton baignant dans l’huile était substituée aux chandelles, et un réflecteur étendait le champ atteint par la lumière. Lorsque l’on se décida à remplacer les anciennes lanternes, qui étaient presque centenaires, il en existait 8 000 à Paris et dans les faubourgs ; elles disparurent devant 1 200 réverbères, dont la clarté était, dit un auteur du temps, égale, vive et durable. On croyait être arrivé au nec plus ultra, et l’on railla les lanternes, comme aujourd’hui nous nous moquons des réverbères, comme nos enfants sans doute riront de nos candélabres. Ce n’était pas seulement le public banal qui était dans l’admiration ; Sartines lui-même ne peut s’en taire ; il fait écrire : « La très-grande lumière qu’ils donnent ne permet pas de penser que l’on puisse jamais rien trouver de mieux[1]. » Et cependant les réverbères étaient placés

  1. Mémoire sur l’administration de la police en France, rédigé suivant les ordres de M. de Sartines, par Jean-Baptiste Lernaire, conseiller du