Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clarté sur la voie publique est relativement moderne. Dès que le jour était tombé, Paris se remplissait jadis d’obscurité et de larrons ; les habitants ne sortaient le soir qu’à leur corps défendant ; ils se faisaient accompagner, quand ils le pouvaient, par des gens armés qui portaient des falots, et l’on s’applaudissait lorsque l’on rentrait sans encombre. MM. de Villiers écrivent à la date du 6 février 1657 : « Après le souper nous fismes mettre les chevaux aux deux carrosses et nous donnasmes aux laquais des pistolets et des mousquetons pour nous escorter… Nous nous retirasmes sur les quatre heures du matin sans avoir fait aucune mauvaise rencontre[1] » Nous n’en sommes plus là : quoiqu’il y ait encore plus d’un malfaiteur à Paris, nous pouvons nous promener la nuit sans fusil sur l’épaule. Nos boulevards, nos quais, nos rues, nos ruelles, — encore trop nombreuses, — s’illuminent presque instantanément dès que le crépuscule s’assombrit. Les mille constellations qui brillent au sommet de nos candélabres ne valent pas la lumière du soleil, que Dubartas appelait « le grand-duc des chandelles », mais elles projettent du moins des lueurs rassurantes et donnent à la ville une sécurité que les temps anciens n’ont point connue. L’éclairage actuel, que nos pères n’auraient même pas osé soupçonner, suffit largement à tous les besoins d’une capitale en activité, et il dépasse les espérances que l’on avait pu concevoir au moment où l’on commençait à le faire fonctionner. Il a en outre ceci de fort remarquable dans notre pays, où l’État est presque toujours forcé de se substituer à l’initiative individuelle en défaut, qu’il est produit par une compagnie industrielle particulière dont l’ampleur égale celle de nos grandes administrations publiques. Mais avant de par-

  1. Journal d’un voyage à Paris en 1657-1658, publié par A.-P. Faugère, p. 65-66.