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vre au fond d’une cour, dans la rue Lafayette. Il n’est plus tel qu’il était au commencement de ce siècle. Girard l’avait construit en pierres meulières reliées à la chaux hydraulique ; de nos jours on en a abandonné l’ancien tracé, on l’a élargi sur les trois quarts du parcours, et on l’a revêtu d’un bel enduit inaltérable ; il a l’air d’être en stuc grisâtre. On peut s’y promener, et j’y ai fait une longue course.

L’eau coule dans un petit canal, qui est la cunette ; celle-ci est accostée par un trottoir qu’on nomme la banquette et où l’on trouve assez de place pour mettre les pieds d’aplomb. On y va dans la nuit ; la lueur d’une lanterne ou d’un rat-de-cave brille sur l’humidité des voûtes et tire des reflets argentés de l’eau qui va lentement sur le lit qu’on lui a préparé et qu’on appelle le radier. Le bruit des voitures qui passent au-dessus retentit lugubrement comme les roulements d’un tonnerre lointain. C’est d’une propreté extrême ; l’eau est nette, les murailles sont en sueur ; nulle ordure, nul animal ; c’est mort ; la lumière n’éclaire qu’un cercle très-restreint ; au delà et en deçà, tout disparaît. La vie obscure des cryptogames s’y développe cependant, mais seulement dans les parties nouvellement réparées. Sur les parois, on aperçoit à certaines places une sorte de nœud central, brun sombre, plat, et d’où s’élancent des ramifications filiformes si parfaitement appliquées au revêtement, qu’il est impossible de les en détacher et qu’elles semblent en faire partie ; on dirait une araignée végétale qui aurait tissé là une trame circulaire pour une toile en soie noire. Cette plante singulière, qui aime l’obscurité, l’humidité et le ciment neuf, qui affecte des attitudes baroques et multiplie tellement ses minces ramures que celles-ci font tache sur la muraille, est tout simplement un champignon, le Rhizomorpha subterranea.

Quoique la température soit en général peu variable