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L’aqueduc a eu aussi son petit rôle pendant la guerre. Le 20 septembre 1870, l’eau cessa d’y couler et pendant toute la période d’investissement les conduites furent à sec. Les Allemands l’avaient barré sur le territoire de Fresnes, au regard no 4, où correspond une concession particulière dirigée sur Berny ; un très-fort mur en briques et en ciment, — très-bien bâti, car on eut quelque peine à le démolir, — força l’eau à changer de cours ; elle se répandit sur la grand’route et alla se perdre dans la Bièvre ; le 27 février 1871, le dégât était réparé et les sources de Rungis rentraient à Paris à dix heures du matin par leur chemin ordinaire.

Pendant le siège, l’eau ne nous a point manqué, les pompes à feu de la Seine ont travaillé sans relâche ; il en existe six aujourd’hui : au Port-à-l’Anglais, à Maisons-Alfort, au quai d’Austerlitz, à Auteuil, à Saint-Ouen et à Chaillot ; celle-ci est l’aïeule ; c’est une machine à vapeur : elle attire l’eau, mais n’en contient pas. Une petite maison basse et trapue, qui se ressent du goût de l’époque, est assise en contre-bas du quai de Billy et renferme quelques bureaux d’administration. Une vaste cour où s’élèvent des monceaux de houille est occupée sur un des côtés par une construction garnie d’un large vitrage ; c’est la demeure de la machine, qui ne ressemble guère à celle dont les frères Périer se servaient jadis. La machine est double, ou, pour mieux dire, il y en a deux, isolées l’une de l’autre, agissant indépendamment et alimentées spécialement par trois foyers qui mettent en œuvre pour chacune d’elles 150 chevaux-vapeur. À regarder l’énorme piston monter, faire un temps d’arrêt comme s’il se reposait après un effort, et redescendre dans sa gaîne de métal, on comprend promptement le jeu du mécanisme. Le piston, relevé par l’action du balancier obéissant à la vapeur, fait le vide dans un tube communiquant avec la rivière et où l’eau se précipite ;