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les piliers servaient de façades latérales ; tout ce monde semblait vivre là en famille : la nature, le monument et les hommes.

On y mit bon ordre et l’on eut raison, car ce pêle-mêle compromettait la construction elle-même, qui se lézardait, se désagrégeait et parfois, en guise d’avertissement, laissait choir quelque gravois sur la tête des passants. De 1834 à 1836, on déblaya l’aqueduc ; on jeta bas les bâtisses parasites, on arracha les herbes folles, on abattit les arbres et l’on pansa toutes les plaies que le temps avait faites à l’édifice de Marie de Médicis. Aujourd’hui il est fort propret, et si les bourrasques du nord n’avaient noirci sa face septentrionale, on le croirait neuf. Les parties contemporaines de Salomon de Brosse se reconnaissent facilement aux larges blocs de pierre équarris et assemblés portant tous les marques particulières des tâcherons qui les ont taillés : ici un maillet, là un ciseau, ailleurs un compas, signature naïve de ceux qui ne savaient point écrire.

Au fond de la vallée il a 22 mètres d’élévation et semble regarder avec mépris la vilaine petite rivière de Bièvre qui passe sous l’une de ses arcades. Il ne suit pas exactement le trajet de l’aqueduc de Julien dont un pan de ruines est encore debout dans le voisinage ; ce vestige de l’ancienne conquête a résisté à tout ; le temps n’est pas parvenu à l’égrener de ses doigts inflexibles. Il est composé de couches alternatives de moellons et de tuiles rouges dont le revêtement est tombé ; à l’heure qu’il est, il ne sert plus que d’espalier à un lierre gigantesque[1].

On gravit un terrain en pente où végète un jardin potager ; le long de la muraille on voit des bornes gerbées les unes par-dessus les autres, verdies, moisies, dévo-

  1. Était-il enduit à l’intérieur de ce fameux ciment nommé maltha, qui, d’après les écrivains antiques, était composé de chaux vive pulvérisée et mêlée à du vin, du saindoux, de la poix, de la cire, de l’huile et des figues ?