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voris. Elle est bien déchue de son ancienne gloire : aujourd’hui on la jette à l’égout. Elle a été retirée de l’alimentation, mais elle n’a pas été inutilisée : on la répand dans nos rues au moment du balayage ; elle nous rend encore un grand service, car elle assainit la voie publique en purifiant les ruisseaux, en lavant les trottoirs et en nettoyant les pavés. La naïade qui la verse de ses urnes souterraines ne doit pas être humiliée de cette destinée nouvelle, car, en feuilletant les vieilles chroniques du pays des nymphes, elle découvrira que Turgot, prévôt des marchands, concentra en 1737 et en 1740 toutes les eaux de Belleville dans un réservoir construit vis-à-vis la rue des Filles-du-Calvaire, et que souvent il les faisait lâcher dans le grand égout, qui plus d’une fois alors eut besoin d’être violemment balayé par un courant, rapide et profond.

Les sources du Sud, celles que par excellence on appelait autrefois les sources royales, ont aussi bien perdu de leur importance ; elles n’entrent guère dans le total de la consommation parisienne que pour une moyenne d’un million de litres quotidiens. Elles sont fournies par les territoires de Rungis, de l’Hay, de Cachan, d’Arcueil, et par le drainage du sol. L’aqueduc qui nous les apporte, au moment où il doit franchir la vallée de la Bièvre, prend un aspect grandiose qui ne déparerait pas la campagne romaine. Il fut construit par Salomon de Brosse, qui a fait œuvre durable. Il a 400 mètres en arcades et il produit un effet imposant dans le paysage. Je me le rappelle, au temps de mon enfance, tout empanaché de verdure, habillé de lierre et fleuri de ravenelles ; des ormeaux, des frênes, des érables avaient trouvé moyen de pousser sur le toit de pierre, en avaient descellé les dalles, entre lesquelles ils glissaient leurs racines qui allaient boire au courant ; sous les arches on avait bâti de petites maisons auxquelles