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faible contingent que nous apprécierons lorsque nous conduirons le lecteur à Belleville et aux Prés-Saint-Gervais.

Cette eau était sans doute exclusivement consacrée au service des deux monastères et des bourgades bâties à leur ombre ; ce fut Philippe-Auguste qui en généralisa l’usage et y fit participer la population parisienne. Il avait acheté aux religieux de Saint-Lazare la foire qu’il transporta aux Halles en 1183[1] ; en même temps, il fit établir trois fontaines, l’une sur le nouveau marché même, l’autre au cimetière des Innocents qu’on venait d’ouvrir : elles étaient alimentées par l’eau des Prés-Saint-Gervais ; la troisième provenait de la source de Belleville : le sobriquet que le peuple lui donna et qui subsiste encore prouve combien l’eau, chargée de sels calcaires, était aigre, rude, et combien peu elle prenait le savon, ainsi que disent les ménagères : on la nomma la Maubuée, — la mauvaise lessive.

Par le fait, Philippe-Auguste n’avait pas seulement rendu un grand service aux Parisiens, il avait exproprié les moines « pour cause d’utilité publique », et avait déclaré que la distribution des eaux était de privilège royal. Il tuait un abus, mais pour en faire naître un autre qui aura parfois de graves conséquences, contre lequel on réagira souvent en vain, et qui ne prendra fin qu’aux premières heures de la Révolution. Cet abus est celui des concessions courtoises, dont le premier exemple est donné, en 1265, par Louis IX, qui accorde une prise d’eau au couvent des Filles-Dieu ; c’était diminuer d’autant la ration déjà fort restreinte du public. La mode s’y mit ; il n’y eut pas de maisons religieuses, pas de grands seigneurs, qui n’obtinssent des concessions pour leur usage exclusif ; le mal devint tel, que les fontaines tarirent et que plusieurs quartiers furent

  1. Voir t. II, chap. viii ; les Halles centrales.