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gardée au fond du cœur pour la bienveillante institution qui les a abrités et en a fait des hommes. Les souscripteurs sont nombreux ; presque tous ils sont aveugles ou attachés à la maison par un lien quelconque ; la somme versée est minime : en général, trois francs. C’est donc un sacrifice réel prélevé péniblement sur la paye ou sur les maigres émoluments. Cela en dit bien long en faveur de ceux qui donnent : ils ont la rare vertu du souvenir et démontrent ainsi le bon aloi de l’éducation morale qu’ils ont reçue.

Cette institution est à encourager sous tous les rapports ; elle est utile au premier chef, très-bien conduite et il m’a paru que chacun y était dévoué à l’œuvre collective. Le champ d’action en est plus large qu’on ne croit : elle est maison d’éducation religieuse, d’instruction primaire et secondaire, d’enseignement professionnel, industriel et musical ; de plus — et c’est là un caractère extrêmement précieux — elle est école normale : elle recrute et forme des professeurs qu’elle choisît parmi ses élèves d’élite, et elle ne les admet aux honneurs de la chaire qu’après un stage déterminé et des épreuves subies devant des examinateurs appartenant à l’Université et au Conservatoire. Non-seulement elle façonne ainsi elle-même les maîtres dont elle a besoin, mais elle a pu en fournir aux divers établissements fondés sur le modèle de celui de Paris, en Europe et même en Amérique, notamment à Copenhague et à Rio-Janeiro. Elle répand ainsi, et de son mieux, l’âme aimante de Valentin Haüy dont elle s’est si profondément pénétrée.

On peut regretter qu’elle ne soit pas plus ample ou qu’elle n’ait pas quelques succursales propres à recueillir les enfants auxquels son exiguïté l’empêche d’ouvrir la porte à deux battants. Il y a en France environ 3 000 jeunes aveugles en âge d’être instruits, et nos établissements spéciaux n’en peuvent guère contenir que 400.