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associés. Si enchevêtré que soit un dessin, il lui suffit de passer la main dessus pour découvrir la maille trop lâche ou trop serrée. Il est ingénieux, entreprenant, et il rendit un grand service aux Parisiens pendant la période d’investissement, car il fabriqua les filets à l’aide desquels on put pêcher les poissons dans la Seine.

C’est un peu à contre-cœur que l’Institution donne ce genre d’enseignement professionnel[1], et elle n’y soumet ses élèves qu’après s’être assurée par des épreuves réitérées qu’ils sont réfractaires à toute faculté musicale. Lorsque Valentin Haüy fit apprendre la musique aux premiers aveugles qu’il recueillit, il croyait ne mettre à leur disposition qu’un art d’agrément et il ne se doutait pas que ce serait leur gagne-pain le plus sérieux. L’enseignement musical prit des proportions considérables en 1815, quand les jeunes aveugles furent distraits des Quinze-Vingts ; l’Institution était alors dirigée par un médecin, le docteur Guillié, qui reconnut promptement que ses élèves avaient pour la plupart une sorte d’instinct musical qu’il était possible de développer et de faire fructifier. Dès lors il se consacra très-ardemment à cette tâche, dans laquelle il fut généreusement aidé à titre courtois par des artistes éminents, tels que Duport, Dacosta, Habeneck. Les résultats obtenus furent excellents, et depuis cette époque ce genre d’instruction s’est élevé de jour en jour jusqu’à constituer une école de premier ordre.

L’enfant, après avoir été initié au solfège, choisit l’instrument pour lequel il se sent le plus d’aptitude ; il apprend à l’aide du toucher les notes pointées en relief, puis il les joue sous la direction d’un professeur, presque toujours aveugle, qui rectifie les mouvements, donne

  1. On a calculé qu’un aveugle ouvrier filetier gagne, par journée de douze heures, 1 fr. 50 cent. ou 2 francs ; un rempailleur-canneur de chaises, un tourneur, 3 ou 4 francs.