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principe de l’écriture aveugle, comme la ligne est le principe de l’écriture voyante.

L’invention de Charles Barbier constituait un progrès, mais elle était loin de répondre à toutes les exigences. Son écriture phonétique était souvent d’une application douteuse, elle amenait des confusions fréquentes et était bien plus compliquée qu’il n’aurait fallu ; en outre elle était impropre à la numération et à la notation musicale, grave inconvénient pour des hommes qui ont d’assez vives dispositions vers le calcul et qui ont la passion de la musique. Ce fut un aveugle, ancien élève de l’Institution où il était resté comme professeur, qui, s’inspirant des idées de Barbier, donna enfin aux aveugles l’écriture qui leur manquait. Cet homme, exceptionnellement intelligent et d’une sagacité rare, se nommait Louis Braille ; il était fils d’un bourrelier de province et se creva les yeux, à l’âge de trois ans, en jouant avec une serpette. Son buste est placé aujourd’hui dans le vestibule de l’Institution ; ce n’est que justice : après Valentin Haüy, c’est lui qui a le plus fait pour les aveugles.

Par la combinaison de points alignés horizontalement et verticalement, il parvint à trouver l’équivalent des lettres de l’alphabet, des chiffres simples, des figures de la ponctuation et des notes de musique. Les combinaisons sont rationnelles ; il n’y a en réalité que dix signes ; mais si à chacun de ces signes on ajoute un point placé à gauche, on crée dix signes nouveaux ; un point mis à droite donne encore dix formes nouvelles ; on voit par là jusqu’où l’on pourrait étendre cette méthode, qui suffit à tous les besoins et n’est point compliquée, car la lettre la plus chargée se compose de trois points en hauteur et de deux points en largeur. Mais pour guider la main, pour éviter que les points ne fussent tracés les uns sur les autres et ne devinssent illisibles au toucher,