Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une commission, composée de Desmarets, Demours, Vicq d’Azyr et Larochefoucauld-Liancourt, rapporteur, fut chargée d’apprécier le mémoire et la méthode présentés par Valentin Haüy. Le rapport fut lu le 16 février 1785 ; la copie que j’ai sous les yeux est certifiée conforme et signée par « le marquis de Condorcet ». Il est élogieux sans restriction : il rappelle les procédés dont quelques aveugles ont fait usage pour eux-mêmes, et il ajoute : « Mais personne n’avait encore songé à rassembler ces différents moyens, à les discuter et à former une méthode suivie et complète pour faciliter à une portion malheureuse de l’humanité l’acquisition des connaissances que la privation du sens le plus nécessaire leur refusait et pour leur ouvrir, s’il est permis de parler ainsi, l’entrée de la société des autres hommes. » Ce fut là en effet la mission de Valentin Haüy, et elle suffit à consacrer sa gloire.

L’attention du public était excitée par la nouvelle découverte ; la Société philanthropique, qui fonctionnait à cette époque, accorda une pension de 12 livres par tête et par mois à quelques aveugles qu’elle confia à Valentin Haüy. Celui-ci ouvrit rue Coquillière une école qui ne tarda pas à être connue dans Paris. Aux études de la grammaire, de la géographie et de la musique, le fondateur ajouta l’apprentissage de quelques métiers faciles, le tricot, le filet, la corderie, la sparterie, l’empaillage des chaises, la fabrication des fouets au boisseau, et même l’imprimerie. On donnait quelques séances publiques qui attiraient la foule. Bachaumont cite celle du 1er mars 1785 et rappelle un impromptu de Théveneau sur les sourds-muets et les aveugles-nés, qui se termine ainsi :

Mais dans ce siècle ingénieux,
Où l’homme enfante des merveilles.
Les yeux remplacent les oreilles,
Le toucher remplace les yeux.