Les pensionnaires, les associés des Quinze-Vingts portaient une tirelire à la main, et sur la poitrine, à droite, une fleur de lis qui leur avait été concédée par acte authentique de Philippe le Bel en 1312[1] ; ils avaient le privilège de placer un tronc à leur profit dans toutes les églises de France ; de plus on leur adjugeait aux enchères le portail des églises de Paris. Ils n’étaient donc pas tolérés « au bénitier » à titre courtois, comme on pourrait le croire et comme on le voit de nos jours ; ils y étaient en vertu d’un droit acquis à beaux deniers comptant ; mais toutes les sommes que les délégués des Quinze-Vingts recevaient des fidèles devaient être remises à la caisse centrale de l’hospice et servaient à secourir les aveugles dénués[2].
Valentin Haüy découvrit à Saint-Germain des Prés un jeune mendiant de seize ans, nommé François Lesueur, dont l’intelligence paraissait assez vive et qui était aveugle depuis l’âge de dix-huit mois. Ce ne fut pas sans peine qu’il lui persuada de le suivre ; l’enfant faisait de bonnes recettes et, avant de jeter la tirelire aux orties, il se fit assurer par son futur bienfaiteur une somme quotidienne égale aux aumônes que chaque jour il recueillait. Valentin Haüy avait eu la main heureuse : en six mois, Lesueur lisait, calculait et savait un peu de musique.
Tout en débrouillant les premières idées de son élève, tout en lui apprenant à reconnaître par le toucher la forme des lettres en relief qu’il avait fait exécuter et à l’aide desquelles il lui enseignait à composer des phrases, Valentin Haüy étudiait les procédés que quelques aveugles avaient inventés pour eux-mêmes, entre autres celui