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pour saisir un chapeau et saluer, c’est homme ; femme se dit en passant le pouce entre l’oreille et la pommette (indication de la bride du bonnet). La mimique peut ainsi, par un premier signe, expliquer de quoi il s’agit ; la dactylologie laisse l’attention en suspens, et il faut par exemple attendre un temps appréciable avant de reconnaître si l’on parle d’un chapelier, d’un chapeau, d’une chapelle ou d’un chapelet. Dans la mimique, on procède du connu à l’inconnu, et l’on gesticule d’abord le fait, le point sur lequel on veut appeler l’attention, ce qui amène des inversions perpétuelles et forcées. — J’ai été hier à la maison se mime hier moi allé être à maison. Pourtant, malgré toutes les ressources de la mimique, malgré la précision mathématique de la dactylologie, ces malheureux enfants font des confusions de mots bien plus fréquemment que les écoliers ordinaires.

Un exercice utile consiste à leur faire écrire sur le tableau différentes opérations réfléchies que l’on met en action devant eux. Faisant rendre compte d’une série de mouvements que j’avais exécutés, j’ai obtenu cette phrase étrange : « D’abord vous avez sorti votre montre, ensuite vous avez regardé votre montre, enfin vous avez rentré votre montre dans votre gilet de votre gousset. » J’ai brusquement effacé cette phrase pour prouver que je la trouvais incorrecte, et je demandai ce que je venais de faire ; l’élève écrivit : « Vous avez essuyé l’éponge avec le tableau. » Un sourd-muet dira qu’il a nettoyé la brosse avec son habit, qu’il a mangé la cuiller à l’aide de sa soupe, sans faire sourciller ses camarades.

À les regarder attentivement « causer » entre eux, on parvient facilement à distinguer des gestes fréquemment renouvelés qui correspondent à ces locutions que nous employons de préférence ; comme nous, ils ont des phrases toutes faites, des lieux-communs, des paradoxes. Selon les natures, la gesticulation est accentuée, vive,