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bué à l’institution des sourds-muets ; la même année, le 15 ventôse (5 mars), les comités d’aliénation et de bienfaisance publique ordonnent la translation, qui ne devient définitive qu’après une nouvelle loi du 15 nivôse an III (5 janvier 1795). Les sourds-muets prirent alors possession du local qu’ils occupent aujourd’hui.

La maison où ils venaient de s’installer a une histoire qui n’est pas indigne d’intérêt. Ce fut d’abord un hôpital dans le sens originel de lieu de refuge pour les voyageurs, les pèlerins et les malades ; il avait été fondé par des moines appartenant au couvent de Saint-Jacques du Haut-Pas, dont le chef-lieu était situé à Lucques en Italie ; c’étaient ceux que le peuple appelait vulgairement frères pontifes, et auxquels on doit l’édification de presque tous les ponts construits dans l’Europe occidentale pendant le moyen âge[1]. Leurs abbés prenaient le titre de commandeurs et portaient sur l’épaule « la croix potencée », comme s’ils avaient été combattants en Terre sainte. Ils restèrent tranquilles possesseurs de leur domaine jusqu’en 1572. À cette époque, Catherine de Médicis, voulant faire bâtir un nouveau palais, qui devint l’hôtel de Soissons et fit place à la Halle au blé, délogea les filles repenties et les installa au logis des religieux qui occupaient l’abbaye Saint-Magloire de la rue Saint-Denis ; ces derniers furent envoyés à Saint-Jacques du Haut-Pas et n’eurent pas de peine à supplanter les frères pontifes, car il n’en restait plus que deux. Les nouveaux hôtes ne menaient pas, il faut le croire, une conduite irréprochable ; ils furent expulsés en 1618 par l’évêque de Paris, qui établit dans leur demeure le premier séminaire de prêtres de l’Oratoire qui ait existé à

  1. Les frères pontifes auraient eu leur premier établissement dès 1164, dans le diocèse de Cavaillon ; Petit-Benezet (Benedict ou Benoît) aurait été leur chef ; il aurait commencé en 1178 et terminé dix ans après le fameux pont d’Avignon, que l’on appelle encore le pont Saint-Benezet.