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obscurité cérébrale que longtemps on a crue sans remède. Pour ceux-là, il a fallu inventer des méthodes exceptionnelles, afin de leur rendre dans l’humanité la part dont ils semblaient déchus pour toujours. Deux hommes de bien, Français tous les deux, mettant en œuvre des procédés fort simples, sont parvenus à neutraliser les effets d’une maladie localisée qui le plus souvent est la conséquence d’un état général défectueux : l’abbé de l’Épée et Valentin Haüy ont des noms immortels ; leur génie et leur charité ont fait ce miracle de rendre la parole aux muets et la vue aux aveugles. Profitant avec une patiente habileté des sens qui subsistent chez ces malheureux répudiés par la nature, ils ont obtenu dans l’organisme une sorte de transposition qui permet aux yeux de remplacer l’oreille, et au toucher de remplacer la vue. Il y a un siècle à peine que ces découvertes ont été faites pour le plus grand honneur de l’esprit humain ; elles ont produit de très-sérieux résultats, qu’on peut constater en visitant l’Institution des sourds-muets et celle des jeunes-aveugles.

L’art de parler à l’aide de signes a dû exister de tout temps. Des hommes de langage étranger, mis face à face par le hasard de la vie, ont toujours pu exprimer des propositions simples et se faire comprendre en exécutant certains gestes indicatifs : c’est la mimique. En outre, lorsque des enfants ont été réunis sous la discipline d’une règle silencieuse, ils ont cherché un moyen de causer à distance sans faire de bruit, et ils ont inventé un alphabet visible dont chaque lettre est représentée par un geste particulier des doigts : c’est la dactylologie ; nous l’avons tous « parlée » au collège. La combinaison raisonnée de la dactylologie et de la mimique constitue le langage des sourds-muets. Ce langage artificiel est un bienfait inappréciable pour ces infortunés, qui peuvent communiquer méthodiquement entre eux,