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prix au grand concours et qu’ils ont passé trois ans à l’École normale, se croient volontiers aptes et destinés à gouverner le monde. Cette idée n’a rien d’excessif chez des jeunes gens qui, par les succès qu’ils ont obtenus, ont prouvé une supériorité sérieuse sur leurs condisciples, et elle est naturelle en France, où, tout en reconnaissant qu’il faut un apprentissage pour être cordonnier, on admet qu’il n’est besoin d’aucune éducation préalable pour être un homme politique. Le résultat d’une pareille opinion saute aux yeux et il est inutile d’insister. Une telle ambition, qui n’a rien que de légitime, éloigne de la carrière pédagogique ceux qui auraient pu y rendre des services signalés. Tout ce qui se sentait ou se croyait une valeur quelconque, tout ce qui se trouvait mal à l’aise dans les liens étroits de la direction administrative, se jeta dans le journalisme, dans la politique militante, et l’enseignement ne garda que les esprits les moins aventureux. Nous y avons gagné des écrivains de talent, des polémistes remarquables, et en lisant leurs œuvres, la jeunesse regrette peut-être de n’avoir pas été dirigée par eux.

Ceux qui ont résisté aux tentations de cette sorte sont entrés dans la route tracée ; ils s’y sont engagés avec résignation, cherchant dans le culte des lettres, dans les joies intimes et profondes qu’on y trouve, une compensation au désagréable métier, ingrat entre tous et mal rétribué, qu’ils sont obligés de faire ; à moins que, pris de dégoût à leur tour pour une carrière qui a toutes les déceptions, ils n’aient ouvert, sur une place fréquentée, une boutique où l’on débite des boîtes de croquets, ornées d’une étiquette où l’on peut lire : X…, ancien élève de l’École normale supérieure, section des sciences.

Les cours du Collége de France ne conduisent à rien celui qui les écoute. Entre qui veut ; il n’y a point d’in-