Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a donc desséché cette moisson superbe ? La politique, qui s’est infiltrée dans l’enseignement, l’a pénétré, l’a vicié en son principe même et lui a enlevé le caractère d’utilité générale, quoique abstraite, qu’il doit toujours conserver sous peine de s’altérer et de périr.

À qui la faute ? Je n’hésite pas à répondre : Aux professeurs qui de leur chaire ont absolument voulu faire une tribune au pied de laquelle les partis adverses se donnaient rendez-vous pour applaudir ou pour siffler, et bien souvent, — je l’ai vu jadis, — pour échanger des injures, qui le lendemain amenaient des rencontres meurtrières. Les gouvernements, qui, après tout, sont dans leur droit de légitime défense en ne voulant pas se laisser renverser, ont réagi avec excès en sens contraire. Bien des hommes de haut mérite, dont la place était indiquée, n’ont point été appelés à l’enseignement supérieur parce que l’on se méfiait d’eux. Tout individu suspect, quelle que fût du reste sa capacité personnelle, se vit éloigné des cours ; les élèves, ou, pour mieux dire, les auditeurs ont regimbé, et ils ont sifflé à priori des professeurs de la valeur de Sainte-Beuve ; la jeunesse ne voulait accepter que les adversaires du pouvoir, et le pouvoir se refusait à les admettre.

On a pris un moyen terme qui n’a satisfait personne et dont l’enseignement surtout a pâti : on a choisi des hommes qui n’inspiraient ni crainte aux uns, ni enthousiasme aux autres. L’indifférence générale leur a répondu. Le dernier effort libéral de la part du gouvernement a été fait en faveur de M. Renan, qu’il y avait un certain courage, en présence de l’irritation du clergé, à installer dans une chaire du Collége de France. Une phrase anodine en elle-même, mais hétérodoxe en son essence, commentée, grossie, amplifiée outre mesure, souleva l’exaspération de tout le parti religieux. Le professeur de langue hébraïque paya pour le futur auteur