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ment secondaire ; cet arbre de la science, tel que nous le cultivons, a eu des fruits amers. Il n’y a qu’à voir le degré d’instruction et les goûts des « classes éclairées » qui ont passé par les colléges ou par des institutions analogues pour s’en convaincre et devenir modeste. Sans parler de cet académicien grand seigneur qui regrettait de faire partie d’une commission chargée de juger une nouvelle traduction de Térence, parce que, disait-il, « il était un peu brouillé avec son grec, » on peut reconnaître que la bonne compagnie a déserté le goût de ce que l’on nomme si justement les belles-lettres. On s’est épris de romans obscènes qui chatouillaient les fibres les moins nobles de l’âme, on s’est engoué de farces de la foire, de pantalonnades indignes d’amuser des Hottentots ; on s’est pressé dans des estaminets interlopes pour applaudir une chanteuse épileptique qui débitait des sottises grivoises ; des femmes du monde accompagnées par des hommes comme il faut ont été dans les bals publics voir sauter des filles dégingandées ; des fils de bourgeois enrichis ont mis des talons rouges aux souliers ferrés de leur père et ont cru faire acte de vie élégante en donnant voiture à quelque ancienne blanchisseuse.

Il y a longtemps qu’un homme d’un grand bon sens et de beaucoup d’esprit, Édouard Thouvenel, me disait avec tristesse : « Le succès d’Orphée aux Enfers me fait douter de l’avenir de la France ! » — Il avait raison : répudier l’amour du beau, se complaire au médiocre, rechercher l’amusant à tout prix, c’est entrer dans la voie où il n’y a pas de salut. Tous ces gens, dont les fils se sont appelés les petits-crevés, à qui le sérieux faisait horreur, ne se doutaient guère que l’écrivain qui traduisait le plus fidèlement leurs pensées et qui répondait le mieux à leur coupable entraînement vers la bassesse des plaisirs, était ce « réfractaire », futur