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sur la vie matérielle ; je vais pouvoir me remettre à travailler. »

Comme à Saint-Denis, le quartier des hommes est prudemment séparé de celui des femmes ; là du moins les fortes murailles, la division même des bâtiments rendent la surveillance facile. Lorsque j’ai traversé la partie réservée aux femmes, elles se pressaient vers la cantine, avec des tasses à la main, et demandaient leur café au lait. Au rez-de-chaussée elles habitent de grandes pièces où les murs lambrissés portent de belles boiseries dorées. On laisse perdre sans nul profit des œuvres d’art importantes, et il y a entre autres sur la voûte de l’escalier des bas-reliefs tres-saillants qui sont un excellent spécimen des bonnes sculptures décoratives de la Renaissance et qui devraient trouver place dans un de nos musées. Partout il y a de l’air, du soleil, un grand horizon de verdure, et dans cet asile les reclus ne paraissent point trop malheureux.

Ce sont des sœurs de la Présentation (de Tours) qui surveillent les femmes et gouvernent l’infirmerie. — Là, une femme était étendue, maigre et déjà marquée pour l’autre vie ; ses mains jaunes, décharnées s’agitaient doucement devant elle avec le mouvement lent et rythmique des ailes d’un oiseau. Elle nous laissa passer, sans remuer la tête, puis tout à coup d’une voix assez forte, elle s’écria : « Ma sœur, je ne puis pas mourir et ça m’ennuie. — Priez Dieu, répondit la religieuse, et il vous rappellera. — Je voudrais mourir aujourd’hui, avant trois heures. — Priez Dieu, répliqua la sœur. — Priez-le pour moi, reprit la moribonde, il ne m’écoute pas, j’en ai trop fait ! » La sœur s’agenouilla et quelques femmes l’imitèrent.

Pendant l’année 1869, le mouvement du dépôt de Villers-Cotterets a été, pour les hommes, 222 entrées et 123 sorties ; pour les femmes, 58 entrées et 65 sor-