Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

core dans ces sépulcres aux trois quarts écroulés ? Les plus vieilles, les infirmes, les impotentes sont groupées dans de petites chambres où, dès la porte, on est suffoqué par une chaleur méphitique. Au milieu d’elles, il y a des enfants qui vont et viennent, car plusieurs d’entre elles semblent avoir renouvelé le miracle de la vieille Sarah. On ne comprend pas que ces petits êtres roses et vifs ne meurent pas dans l’atmosphère empestée qu’ils respirent.

Tout ce troupeau s’est rassemblé dans la cour et a attendu la distribution des vivres ; les pieds couverts de galoches en bois, portant l’écuelle à la main, elles se tenaient hébétées les unes derrière les autres, humbles, soumises comme des êtres-machines qui ne seraient pas doués de réflexion. Une de ces vieilles sempiterneuses, comme eût dit Rabelais, était fort enrhumée, elle toussait avec effort ; tout à coup, par un geste trop naturel pour ne pas être familier, elle se baissa, releva son jupon, saisit le bas de son vêtement le plus secret et se moucha dedans ; car, à Saint-Denis comme à Saint-Lazare, comme dans toutes les maisons de détention pour les femmes, on ne distribue ni mouchoirs ni serviettes. Une telle négligence est mauvaise ; par cela même que l’administration appesantit sa main sur ces malheureuses, elle se doit à elle-même d’essayer de les amender et de leur donner des habitudes de propreté, qui presque toujours leur font absolument défaut[1].

Les femmes sont sous la direction de surveillantes laïques ; l’une d’elles, alerte, intelligente et jolie, qui voulait bien répondre à mes questions, m’a paru mener son vieux bataillon avec vivacité et régularité ; il faut

  1. La préfecture de police était décidée à faire distribuer des mouchoirs et des linges de propreté aux femmes détenues ; du moins la question était à l’étude lorsque la révolution du 4 septembre 1870 l’a l’ait ajourner.