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imaginer d’où viennent les haillons qui les revêtent ; la nourriture, sauf la soupe qu’ils reçoivent le matin avant le départ, leur est donnée le plus souvent par la charité publique ; dans bien des restaurants, dans bien des cuisines on leur distribue des rogatons supérieurs sans doute à la gamelle du patron ; reste le logement : sauf exception, il coûte cinq francs par tête et par mois.

Ces enfants, — j’en ai été frappé, — sont tenus avec une propreté relative assez soignée ; on ne leur épargne ni l’eau ni le peigne. Tous les préparatifs qui précèdent le départ, toilette, déjeuner, raccommodage fort sommaire des vêtements déchirés, lambeaux auxquels on met des pièces, durent jusqu’à neuf heures ; on accorde tant bien que mal les instruments, on remet des cordes, quand on en a, aux harpes et aux violons, on visite l’outre de la cornemuse des pifferari ; tout est prêt, on descend, c’est le mot, dans Paris. Si, avant de commencer leur journée, les enfants ont reçu des instructions, elles doivent se borner à ceci : Rapportez le plus d’argent possible et ne vous faites pas arrêter. Cette dernière recommandation est mal écoutée, car il n’est point de jour qui n’en voie paraître au Dépôt. Ils n’en sont guère émus ; l’arrestation est une des chances de leur métier, ils le savent sans doute ; ils tâchent de l’éviter, ils se sauvent lorsqu’on les poursuit, ils mordent, ils égratignent quand on les saisit ; mais une fois au poste ou dans les préaux de la préfecture, ils deviennent doux comme des moutons. Lorsqu’on a négligé de les fouiller, ils tirent bien vite de leur poche un paquet de cartes grasses et se mettent à faire une partie de scopa, qui est le jeu favori des Italiens du Sud.

La situation de ces enfants est des plus dures : s’ils ne rapportent pas d’argent au patron, ils sont battus ; s’ils en demandent aux passants, ils risquent d’être menés au poste. Ils succombent à cet épouvantable métier,