de bas étage ; mais c’est là de l’industrie privée : nul n’a le droit d’empêcher un propriétaire de restaurant, un portier, de laisser entrer chez lui les chanteurs et les musiciens. Ceux que j’ai sommairement désignés peuvent seuls exercer leur métier sur la voie publique. Quelques bateleurs se sont fait une certaine réputation à Paris ; il faut citer en première ligne Pradier, le bâtonniste. C’était un ancien garçon marchand de vin, qui, placé à l’une des mauvaises barrières de Paris, et étant souvent obligé de faire évacuer le cabaret dont il avait la garde, était parvenu à manier la canne avec une adresse redoutable. Par suite d’une très-haute intervention, il était autorisé à exercer ce qu’il appelait « son art » dans toutes les villes de l’empire ; à Paris, on lui avait concédé certains emplacements interdits aux autres saltimbanques, notamment un coin de la place de la Madeleine, la place des Pyramides, la place de la Bourse, le dimanche, et le carré Marigny aux Champs-Élysées : là, il ne resta point, parce qu’il refusa toujours d’acquitter au profit de la préfecture de la Seine quinze francs de location par mois et cinq francs pour le droit des pauvres. Nul ne fut plus arrogant avec le public ; il le taxait à une somme fixe, sinon il restait immobile, ses bâtons à la main, ricanant et se moquant de ceux qui le regardaient. Il était d’une habileté extraordinaire et jamais voltige de cannes ne fut exécutée avec une agilité pareille. La précision de son coup d’œil et la sûreté de ses mouvements étaient faits pour surprendre. C’était un petit homme râblé, impudent, fort humble avec les autorités dont il dépendait, mais parfois d’une insolence extrême avec les simples curieux. On a raconté bien des fables sur lui : on a dit qu’emporté par une dévotion excessive, il ne faisait que prélever deux francs pour vivre sur ses recettes quotidiennes et donnait le reste aux églises. C’est là le fait de ces légendes
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