Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pauvre fille, ainsi enchaînée pour sept ans, et qu’en l’achetant elle délivrerait cette malheureuse, qui aurait de la reconnaissance pour elle.

Un jour, elle me dit que les gâteaux et les bouquets pour la fête de mon mari étaient empoisonnés ; le soir, elle vint faire des prières pour extraire le poison.

Pendant la construction de la rue du Peugue, elle disait qu’on voulait nous enlever. Nous entendîmes du bruit pendant une nuit ; je lui donnai 6 fr. tous les soirs pour empêcher que mon sommeil fût troublé.

Un de mes enfants tomba malade ; la femme Aurausan me dit que Marc, qui était un démon caché sous la forme d’un chat noir, lui avait recommandé, pour le salut de mes enfants, de faire des neuvaines. Je lui répondis d’aller en faire à Saint-Fort-Sainte-Germaine ; je lui donnai l’argent nécessaire ; je lui en donnai aussi pour acheter des chandelles et les faire brûler. On devait en brûler douze et la treizième était marquée par moi de treize coups d’ongle. D’après elle, ces treize coups devaient faire beaucoup souffrir le démon. Elle me faisait payer chaque chandelle 5 fr.

J’agissais ainsi parce que je voulais délivrer mes enfants du démon. L’un d’eux, d’après ce qu’elle disait, avait des griffes au lieu d’ongles, avec des coups de lance au cou ; c’est elle qui lui avait donné des coups de lance ; elle frottait les cicatrices avec de l’onguent qu’elle faisait payer 30 fr. Elle disait qu’il y avait 10 fr. pour le démon, nommé « Coup de Lance », et 10 fr. pour la maison qui avait fourni l’onguent. Elle disait qu’elle endurait beaucoup de tortures pour ma famille et pour moi. Elle montrait sa chemise, qui était très-sale et me disait qu’elle avait porté le démon à l’endroit où un de mes enfants avait été nourri.

Un jour, elle me montra son épaule, et j’y ai vu deux énormes pattes rouges. Elle faisait de la magie chez moi et profitait de l’absence de mon mari pour donner ses représentations. Un jour, je reçus un fort coup de poing sans voir personne.

Je prenais de l’argent à la caisse de mon mari, à son insu. La femme Aurausan me disait de ne pas parler de cela à mon mari, parce que, autrement, j’aurais été immédiatement couverte d’une peau de bête. Elle avait au doigt une bague pour appeler les esprits, et une autre sur laquelle étaient ces mots : « Dieu garde, » qui avait pour effet de la délivrer lorsqu’elle luttait avec les esprits.

Au commencent de la république, le démon Marc l’a emportée dans les airs. Ils sont allés à Paris. Marc a enfoncé la porte des Tuileries. Ensuite, revenue à Bordeaux, elle nous a apporté les deux premières médailles de la république qu’on ait vues à Bordeaux.

Pendant un an, je remis à cette femme, deux fois par semaine, mercredi et samedi, 85 fr., soit 170 fr. par semaine. Pendant quatre ans, deux fois par semaine, mercredi et samedi, 65 fr., soit 130 fr.