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disait : « Ma fille, fais-toi aimer de tes malades, aime-les et tout sera facile. » C’est là un mot d’ordre qu’on devrait répéter sans cesse à ceux qui ont affaire aux aliénés, car jamais on ne saura leur témoigner assez de commisération.

Nous ne pouvons raisonnablement exiger de notre personnel médical des résultats analogues à ceux que je viens d’indiquer, il mourrait inutilement à la tâche. Il devrait être doublé pour le moins, afin que chaque malade eût droit à une consultation approfondie et souvent renouvelée ; mais si l’Assistance publique, par un de ces tours de force auxquels elle nous a accoutumés, mettait le nombre des médecins en rapport avec celui des malades, tout ne serait pas dit ; car l’étude du désordre mental semble rester stationnaire en France depuis longtemps, tandis que chaque jour elle accentue ses progrès chez les nations voisines.

On a dit qu’à Paris les médecins aliénistes forment une corporation sans maîtrise ; le mot est spirituel, mais dépasse le but. Nous avons des savants de premier ordre ; mais s’ils ont de la science, on peut douter qu’ils aient la foi, et ils paraissent ne pas croire à leur art, un des plus élevés qui existent. Pour trouver la cause de cette sorte de scepticisme, il faut remonter au point de départ et voir que tous nos aliénistes procèdent d’Esquirol. Or Esquirol était un philosophe ingénieux, un observateur très-perspicace, un philanthrope convaincu, mais il était si peu médecin, qu’on pourrait presque affirmer qu’il ne l’était pas du tout. Il a écrit : « Une maison d’aliénés est un instrument de guérison ; entre les mains d’un médecin habile, c’est l’agent thérapeutique le plus puissant contre les maladies mentales. » Idée juste en principe, mais qu’on a eu tort de rendre tellement absolue, qu’aujourd’hui le séjour dans un asile suffit et que le traitement médical est presque