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C’était un prêtre, on redouta le scandale ; de plus l’agitation commençait autour de la loi de 1838 ; au lieu de l’interner dans un asile, on prit le moyen moins sûr et plus dispendieux de le faire surveiller. Il ne faisait plus un pas sans être suivi par des agents ; il s’en aperçut, s’en fatigua, partit pour la Belgique, revint inopinément et se rendit, le 3 janvier 1857, à l’église Saint-Étienne du Mont, où l’on sait ce qui se passa. On m’a affirmé que, lorsqu’il a commis l’homicide qu’il a expié entre les mains du bourreau, il avait un frère fou à Bicêtre et une sœur employée à la Salpêtrière, où elle avait été traitée et guérie d’un accès d’aliénation mentale. Le principe morbide qui force une lypémaniaque à briser une assiette est semblable à celui qui contraint un monomane à tuer ; certes le résultat est différent, mais la cause est identique ; ces deux faits ont donc une valeur scientifique égale.

Sous l’action de certaines substances stupéfiantes ou excitantes, l’esprit perd une partie de ses facultés ou du moins celles-ci sont profondément modifiées. Le haschich[1] est le plus énergique de ces agents de trouble. Le docteur Moreau (de Tours) l’a longuement expérimenté sur lui-même et sur les autres ; il a publié en 1844 un livre fort curieux, qui contient le résultat de ses expériences sur ce qu’il nomme justement la folie artificielle. Il a raconté les différentes fantasias dont il a été le héros et le témoin ; mais il n’a pas dit que le principal expérimentateur, savant à la fois ingénieux et profond, homme du monde et de façons parfaites, était, sous l’influence du haschich, atteint de cleptomanie : il volait les montres, les bijoux, et fourrait prestement les couverts dans ses bottes, avec une habileté que lui

  1. Haschich en arabe signifie proprement herbe ; appliqué à la substance dont je parle, il veut dire l’herbe par excellence. Le chanvre indien d’où on l’extrait se nomme fassouck.