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lui-même, l’acte abstrait qu’il faut voir et non les événements, souvent déplorables, qui en ont été le résultat.

Un monomane qui tue s’y prend rarement à deux fois ; il emploie le couteau de préférence, et le coup qu’il porte d’un seul jet est presque toujours instantanément mortel ; on dirait que toutes ses facultés concourent à développer en lui une adresse, une précision qu’un homme sain d’esprit ne peut atteindre. Lacenaire, qui se donnait pour un professeur d’assassinat et dont l’état mental était absolument indemne, n’a jamais réussi à tuer du premier coup. Il est une variété de fous très-étrange qu’on ne saurait examiner de trop près avant de se décider à les envoyer en cour d’assises : ce sont les mélancoliques irrésolus ; ils ne rêvent que la mort et n’osent point se la donner ; pour arriver au but vers lequel ils aspirent avec une intensité qu’il est impossible de comprendre lorsqu’on ne l’a pas constatée soi-même, ils prennent un chemin détourné qui les conduit invariablement au meurtre ; ils tuent dans l’espoir d’être arrêtés, jugés, condamnés, exécutés. Ils parviennent au suicide par l’homicide. Quelques-uns ont été frappés de la peine capitale ; ils ont accepté l’arrêt avec joie, — Lemaire fut ainsi, — et ne se sont point pourvus en cassation, afin de monter plus promptement sur cet échafaud qui était l’objet de leur passion.

Pour le criminel le meurtre est un moyen, pour l’aliéné le meurtre est un but. Lorsque dans un crime on ne peut découvrir aucun mobile plausible d’intérêt, de vengeance, de jalousie, il est probable, sinon certain, qu’il est l’œuvre d’un fou : Papavoine, Philippe, Verger. Celui-ci n’a trompé aucune des prévisions que l’examen de son état mental avait fait naître. Il avait été signalé comme aliéné pouvant facilement devenir dangereux, sans nouvelles causes perturbantes, par le seul développement probable de son exacerbation intellectuelle.