Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’auteur de certains faits monstrueux, le jury a peur de reconnaître un fou qu’il faudra relaxer immédiatement, puisqu’il ne serait pas coupable, et, dominé par le très-légitime souci du salut général, il condamne. On dit, je le sais, et c’est un argument qui parait péremptoire : De tels fous sont un danger permanent, et la société a le droit, a le devoir de s’en débarrasser. Nulle société n’a le droit de tuer ses malades, à moins qu’elle ne revienne aux temps barbares où l’on étouffait les malheureux qui avaient été mordus par un chien enragé ; mais la question est plus haute et d’un ordre plus abstrait.

Toutes les fois qu’une erreur de cette nature est commise, c’est l’expression la plus élevée, l’expression presque divine de la société qui souffre et qui est blessée, c’est la justice. Or tout ce qui peut porter atteinte à la justice, tout ce qui est de nature à amoindrir son prestige, à diminuer le respect qui lui est dû, est mauvais, dangereux et coupable. De toutes les divinités que nous avons adorées, une seule est restée debout : c’est la vieille Thémis. Au milieu de nos bouleversements matériels et de notre effarement moral, lorsque nous tourbillonnons sur nous-mêmes sans pouvoir trouver la route qui mène au port, elle est demeurée impassible et sereine, équitable pour tous, rassurant les faibles et tâchant de contenir les exaltés. Elle nous a donné une leçon grandiose et dont il faut profiter, en nous prouvant qu’on peut traverser un naufrage sans rien abandonner de soi-même, et à l’heure suprême, quand on a cherché des martyrs pour confesser le droit, on l’a trouvée digne d’être associée à Dieu même : la robe du juge et la robe du prêtre ont été trouées par les mêmes balles.

Il faut, en imitant l’exemple de l’Angleterre, donner à la justice le pouvoir de mettre hors d’état de nuire le maniaque qu’elle est contrainte aujourd’hui de frapper par des lois qui ne sont pas faites pour lui ; il faut