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due sans doute au tressaillement de quelque filet nerveux épanoui sous l’épiderme.

L’aliénation n’atteint guère que les adultes et elle respecte l’enfance. Roller a dit : « La folie n’apparaît qu’avec la conscience du moi, vers l’âge de quatorze ans au plus tôt. » J’ai pu constater à Vaucluse l’exactitude de cette assertion, et je l’ai vérifiée aussi à Ville-Évrard, qui est un domaine de 185 hectares situé près de Neuilly-sur-Marne, entre la route de Strasbourg et le canal de Chelles. Cet asile, qui avait été ouvert le 29 janvier 1869, a servi de quartier général au prince de Saxe ; il a été momentanément pris par nous, et comme il était dominé par le plateau d’Avron, on peut croire que les projectiles ne l’ont point épargné. Les 248 malades que j’y ai vus étaient dans des conditions analogues à celles dont j’ai parlé ; deux médecins, quarante employés, dont sept sœurs de Saint-Joseph, veillent sur eux ; c’était un dimanche et nul travailleur aliéné n’était aux champs.

L’idée première qui a dirigé la construction de Ville-Évrard n’ayant point été suivie, il se trouve que diverses modifications sont nécessaires pour que l’établissement puisse rendre les services qu’on lui demande. Primitivement ce devait être une maison de convalescence, de sorte qu’on a évité avec soin tout ce qui rappelait la réclusion. Les murs d’enceinte sont trop bas, si bas que de la route et des champs voisins on plonge littéralement dans les jardins et que l’on voit tout ce qui s’y passe ; de plus les préaux particuliers des cellules réservées aux femmes agitées sont peu éloignés de la berge du canal de Chelles. Les bons paysans, les Parisiens désœuvrés qui, le dimanche, traînent leur ennui à travers champs, excitent ces malheureuses pour se distraire et les exaspèrent parfois jusqu’à la fureur ; une grille mal placée, ouvrant sur la campagne, permet aux cabare-