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pour bien prouver à ces malades qu’ils sont des hommes, en leur témoignant une confiance presque toujours justifiée. Malgré les raisons d’économie et de prudence qui conseillaient la vaisselle d’étain, je n’ai aperçu que de bonnes assiettes en porcelaine, des verres en cristal, des fourchettes pointues, des cuillers ordinaires et des couteaux, — arrondis, il est vrai, d’une lame un peu molle, — mais enfin de vrais couteaux aptes à tailler le pain et à trancher la viande. Nul n’aurait eu tant de hardiesse il y a quarante ans et nul aujourd’hui ne regrette de l’avoir. Dans le seul quartier des agités, les couteaux sont supprimés.

Le régime alimentaire est purement scientifique, si l’on peut dire : il a été établi d’après les doctrines professées par M. Payen, qui déclare, après expérience, que la nourriture d’un homme se livrant à un travail très-modéré (à Sainte-Anne le travail est à peu prés nul) doit contenir 310 grammes de carbone et 20 grammes d’azote ; or la nourriture est combinée de telle sorte qu’elle renferme : carbone, 310,02 ; azote, 20,06 ; de plus l’aliment plastique et fortifiant par excellence, la viande, domine, et l’on ne fait maigre que le vendredi.

On pourrait croire que dans un asile aussi vaste, composé, pour chaque division, de six quartiers distincts, on a réuni ou séparé les malades selon le genre d’affection dont ils sont atteints ; il n’en est rien : les malades sont pêle-mêle ; on ne les catégorise que selon leur agitation plus ou moins vive. Cela doit surprendre au premier abord, mais il ne peut y avoir de doute en présence des affirmations faites, après essais de toute sorte, par des savants de religion, de langue et de théories différentes. Ils sont unanimes sur ce point : les malades divers se surveillent mutuellement, le délire de l’un neutralise les effets du délire de l’autre ; ils ne complotent rien, parce que chacun d’eux poursuit un