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famille. Au début de la maladie, on a voulu garder l’aliéné ; on l’a entouré de soins ; par suite d’un sentiment de honte mal conçu, par économie peut-être, on a repoussé la pensée de le déposer dans un de ces établissements spéciaux où les malades trouvent de larges jardins et des soins appropriés. On s’est lassé de voir que l’on n’arrivait à aucun résultat, on a perdu patience devant l’irritabilité d’un pauvre être que tout exaspère ; on l’a rudoyé, maltraité ; on l’a relégué dans un coin ; pour qu’il ne pût nuire, on l’a attaché à un fauteuil fixé à la muraille, dans quelque réduit obscur de la maison ; on lui jette une nourriture insuffisante, comme à un chien ; on dit : Il est si méchant, au lieu de dire : Il est si malade ! S’il crie, on le bâillonne ; il croupit dans ses ordures, dans sa vermine, et d’une créature vivante, qui peut-être aurait guéri si on l’eût confiée en temps opportun à des aliénistes, on fait un je ne sais quoi qui remue encore, qui ne peut pas mourir et qui n’a plus rien d’humain. Je n’exagère pas ; les cours d’assises ont jugé plus d’un de ces drames domestiques, et combien sont restés ignorés qui ont eu un dénoûment qu’on n’ose se figurer !

Dans l’asile, tout se passe en plein jour ; le préfet de police par ses délégués, les magistrats, les médecins, y regardent à toute heure, et rien de semblable, rien d’approchant ne peut s’y produire. Les malades y sont respectés, soignés, traités avec une extrême bienveillance. Toute injure échappée aux infirmiers est immédiatement punie par l’expulsion. En 1870, à l’établissement de Vaucluse, un gardien, qui venait d’être maltraité par un fou en accès furieux, s’oublia jusqu’à donner un soufflet à celui-ci ; on ne se contenta pas de le chasser, il fut appréhendé par les gendarmes dans l’asile même, traduit en police correctionnelle et condamné à quinze jours de prison. Le directeur qui avait provoqué ces