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pour ne pas savoir que le monde extérieur, l’objectif, qui exerce sur certains aliénés une action surexcitante, produit au contraire chez beaucoup d’autres une sorte de compression qui les rappelle à eux-mêmes et leur donne toutes les apparences de la raison. Il y a alors répercussion du moral sur le physique, comme dans les crises aiguës, dans le délire, dans les hallucinations de toute sorte, il y a répercussion du physique sur le moral.

Tel individu qui chez lui, dans son milieu habituel, maison, appartement ou cabanon, s’abandonnera à des accès de fureur qui sont plus forts que sa volonté, demeurera calme, paraîtra sensé, trompera l’observateur le plus sagace, si vous le placez en présence de lieux qu’il ne connaît pas, de gens qu’il n’est pas accoutumé à voir, d’un spectacle qui l’étonne et le maintient. C’est ainsi que des aliénés deviennent tranquilles et aptes à tout comprendre, dans les premiers jours de leur entrée dans un asile. Un jury qui ne sera pas composé d’aliénistes et d’hommes spéciaux se laissera facilement abuser par les malades les plus violents, car ceux-ci sont presque toujours les plus dissimulés. En dehors de leurs crises, du point précis qui fait surgir la divagation, beaucoup d’aliénés sont gens avec lesquels on peut causer de omni re scibili.

Des hommes fort intelligents y ont été pris et ont donné à rire. M. de Villèle reçut un jour la visite d’une femme qui lui exposa, avec un entraînement de langage et un charme inexprimables, certaines idées sur le rôle de la presse dans les gouvernements constitutionnels. Le ministre, ébloui de tant d’esprit et de logique, entre dans les idées de son interlocutrice, lui fait des promesses pour la création d’un journal dans lequel elle aura la haute main, parle en conseil du projet qu’il va mettre à exécution, et y renonce avec