Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tifiquement constaté, qui ait porté témoignage contre elle. Après l’avoir discréditée au sénat, au corps législatif, dans la presse périodique, par des brochures, on a demandé qu’elle fût abrogée et remplacée par une autre loi dont le projet a été déposé, le 21 mars 1870, par MM. Gambetta et Magnin. L’exposé des motifs déclame plutôt qu’il ne prouve. Les aliénés y deviennent des victimes sacrifiées à la sécurité publique, on y parle de machinations criminelles et l’on y lit textuellement : « Qui sait si l’on ne craint pas, en ébranlant l’édifice de 1838, d’y trouver le crime sous chaque pierre ? » Il n’y a là en somme que beaucoup d’emphase et une médiocre rhétorique. Les signataires du projet qui, je crois bien, n’en sont que les endosseurs, récusent les médecins, comme intéressés, récusent les magistrats, sans doute comme incompétents, et veulent qu’un jury spécial, tiré au sort, composé de six membres, décide, en plein tribunal, s’il est opportun ou non de prononcer l’internement d’un individu présumé aliéné ; celui-ci serait défendu par un avocat ou par un avoué. Donc débat contradictoire en présence du fou, après interrogatoire d’icelui, plaidoyer, réplique, résumé, déclaration solennelle des jurés. En vérité, l’on croit rêver quand on lit de pareilles élucubrations !

Sans parler ici des suites qu’un tel débat pourrait avoir sur plus d’un cerveau égaré, sans dire que, les fous étant simplement des malades, il n’est pas plus utile de les juger pour les envoyer dans un asile qu’il n’est nécessaire de réunir l’appareil imposant de la justice pour demander à un jury si l’on doit faire entrer un fébricitant à l’Hôtel-Dieu, on peut affirmer que ce mode de procéder est vicieux entre tous et qu’il entraînerait des erreurs déplorables. Il faut être dans une ignorance absolue de ce que c’est qu’un fou, n’avoir d’autre science que celle des préjugés vulgaires,