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d’un monomaniaque, c’est-à-dire d’un individu qui peut causer raisonnablement de toutes choses, excepté d’une seule sur laquelle l’insanité éclate immédiatement et presque toujours avec violence. J’ai eu sous les yeux un travail manuscrit composé de quatre forts volumes in-4o ; c’est le résumé, avec commentaires, de tout ce qui a été écrit sur la folie par les auteurs grecs, latins, allemands, anglais, italiens et français. Cette œuvre remarquable de lucidité, de méthode, de composition, a été faite par un pensionnaire de Charenton, ancien magistrat, homme très-sage, très-instruit, très-doux, qui parfois et tout à coup se voyait chargé par des escadrons de cavalerie lancés sur lui au galop. Il en ressentait une angoisse qui déterminait invariablement un accès de fureur.

Non-seulement le théâtre et le roman nous ont donné des idées erronées sur la folie réelle, mais ils ont accrédité dans la foule ignorante et crédule cette sottise des séquestrations arbitraires. Il n’y a pas à discuter le point de départ du dramaturge et du romancier ; c’est un droit absolu pour chacun d’eux de prendre tel sujet qui lui convient, dans la vie, dans le code, dans l’histoire, où bon lui semble : il suffit qu’un fait lui paraisse admissible pour qu’il puisse, s’il le veut, l’introduire dans son livre ou le développer à la scène ; mais c’est là un élément romanesque, rien de plus, et il n’a d’autre valeur que celle du mérite littéraire dont il est revêtu ; mais que des esprits sérieux se soient laissé prendre à ces fictions, c’est ce qu’il est difficile d’admettre, surtout en présence de la loi de 1838, contre laquelle se sont accumulées tant de préventions, et qui s’est au contraire appliquée à donner des garanties multiples à la liberté individuelle.

Les lois sont les instruments à l’aide desquels les hommes se protègent contre les instincts naturels de