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celle de l’autorité, mais elle ne doit être protégée qu’à la condition expresse de ne point porter atteinte à la liberté collective ; or il n’y a pas de fou, si paisible, si éteint, si déprimé qu’il soit, qui, à un moment donné, sous l’influence subite d’une impulsion irrésistible, ne puisse devenir un danger public. Chaque jour les faits divers des journaux racontent, en blâmant l’autorité de son défaut de vigilance, les malheurs causés par des aliénés qu’on croyait inoffensifs ou guéris. Les plus habiles, les plus savants peuvent s’y laisser prendre, à plus forte raison les ignorants, qui sont fort nombreux en pareille matière.

Pinel rapporte « l’observation » d’un maniaque enfermé à Bicêtre ; des mandataires d’une section voisine vinrent, pendant la Révolution, faire une perquisition dans les salles réservées aux aliénés ; le malade, interrogé par eux, leur parut jouir de la plénitude de ses facultés, on le prit pour une victime du « pouvoir liberticide » et on l’emporta en triomphe pour le rendre à la vie commune. À peine cet homme raisonnable avait-il dépassé la porte de l’hospice, qu’il s’empara d’un sabre, tomba sur ses libérateurs et en éventra quelques uns. C’était d’habitude un fou très-calme ; le passage sans transition d’un mode de vivre à un autre avait suffi pour déterminer chez lui un accès furieux. Récemment, dans un de nos asiles municipaux, un fait moins grave s’est passé : un fou était si tranquille, si aimable, de si bonne compagnie, qu’il jouissait d’une liberté relative considérable ; il se promenait dans tout l’établissement sans contrainte et allait souvent chez le directeur, qui aimait à causer avec lui. Un soir, dans le salon de la direction, une glace énorme placée au-dessus d’une cheminée se détacha tout à coup de la muraille et tomba ; fort heureusement il n’y avait personne près du foyer. Après enquête faite, on acquit la preuve que la glace