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lièrement exagéré. Une circulaire du ministre de l’intérieur, en date du 16 juillet 1819, signale avec sévérité l’état misérable dans lequel on laisse les aliénés en province. Abandonnés dans des loges souterraines, sans lumière et sans air, leur sort n’avait point été modifié ; on renouvelait à peine la paille qui servait de litière aux fous tranquilles ; quant aux agités, ils couchaient sur la terre nue ou sur le pavé ; leurs gardiens, toujours armés de gourdins, de nerfs de bœuf, se faisaient précéder par des chiens bouledogues lorsqu’ils entraient dans les cellules. L’autorité compétente ne ménageait pas ses prescriptions ; elle recommandait, elle ordonnait de substituer partout, en cas de nécessité rigoureuse, l’usage de la camisole de force à celui des chaînes ; mais il faut croire qu’on ne l’écoutait guère, car, en 1843, le docteur Dagron, actuellement directeur-médecin de l’asile de Ville-Évrard, envoyé en inspection dans la maison de Fontenay-le-Comte (Vendée), trouva quinze femmes et vingt hommes nus, enchaînés dans les loges, et parmi eux un nommé Guyon qui, depuis plus de deux ans, avait les pieds entravés dans des ceps. Tant il est vrai que la paresse, l’horreur instinctive de toute innovation, l’obtuse ténacité des habitudes prises rendent stériles les conceptions des génies les meilleurs.

Néanmoins un principe avait été posé et il fallait en déduire les conséquences. Pour la séquestration des aliénés, on se heurtait à chaque pas contre des difficultés sans cesse renaissantes, car la matière n’était réglée que par des arrêtés de police ; de plus, aucun établissement spécial n’avait été construit pour les abriter ; ils étaient emprisonnés dans les hospices et, plus souvent encore, confondus avec les criminels dans les maisons de détention. Un tel état de choses appela enfin l’attention du gouvernement.