Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heureux, qui se sentaient les membres libres, qui pouvaient aller respirer au grand air après une si dure, une si étroite réclusion. Chevingé fut, en effet, le domestique de Pinel, et son dévouement ne se démentit jamais ; dans les jours de disette, lorsqu’on ne pouvait presque plus se procurer d’aliments, il allait dans la nuit à Paris, et chaque matin il rapportait à son maître le repas quotidien. Il était si parfaitement doux et bon que, lorsque Pinel fut marié et père, il en fit, — ceci est littéral, une bonne d’enfants.

De même que Colbert avait clos l’ère thaumaturgique, Pinel venait de fermer l’ère de la répression exclusive, l’ère de la thérapeutique allait enfin s’ouvrir. Après tant de combats, la victoire restait au bon sens, à l’observation, à l’humanité.

Parlant de ceux que pendant si longtemps on a brûlés, on a enchaînés et maltraités, Pinel dit : « Ce sont des malades ; » grande parole et de portée incalculable, qui aura un jour une influence déterminante sur la science médico-légale. Esquirol les classe, définit leur mal et dit : « Pour apprendre à les guérir, il faut vivre avec eux. » Ferrus les rend au travail ; il prouve que l’aliéné peut encore faire acte de civilisation, et qu’en étant utile aux autres, il devient utile à lui-même. Pendant que la France pose ainsi les bases morales de l’aliénisme, Roller, créant en Allemagne un établissement modèle, réunit autour de ses malades tout ce qui peut les rappeler à la vie normale, et démontre, par sa longue et constante pratique, que l’opium et ses dérivés ne sont point seulement des calmants précieux, mais qu’ils constituent le moyen curatif le plus héroïque que l’on puisse employer pour combattre, pour vaincre les troubles de l’esprit, consécutifs d’une altération des grands centres nerveux.

C’est par ces hommes que la science aliéniste a été