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dements de la religion et tire après soi d’étranges abominations. » Le roi tint bon, ordonna de cesser les poursuites commencées contre d’autres prévenus, et par ce fait mit fin à des persécutions que rien ne justifiait. Il n’en resta pas là, et deux ans plus tard, en 1672, Colbert lui fit signer la fameuse ordonnance qui interdit aux parlements d’évoquer dorénavant les procès pour cause de sorcellerie. Les bûchers furent éteints ; mais faute de savoir que la démonomanie est une maladie et non un crime, plus de 20 000 individus avaient expié dans les flammes le tort d’être atteints d’aliénation mentale.

Là se ferme l’époque que l’on peut appeler l’ère thaumaturgique de la folie, et l’ère de la répression commence. Nul hôpital pour recevoir les fous, nulle maison pour les soigner ; on les enferme où l’on peut, dans les couvents quand ils sont tranquilles, dans les prisons quand ils sont agités ; on les enchaîne, on les frappe ; ils croupissent sur la paille, on va les voir pour satisfaire une curiosité malsaine, on les excite pour en rire. Les gens qui se piquent de beaux sentiments ne se gênent guère pour s’en amuser. La phrase qui revient si souvent dans les lettres de madame de Sévigné, et dont Coulanges fit une chanson : « Les voyez vous ? — Non. — Ni moi non plus, » est une allusion plaisante, mais cruelle, à une pauvre folle détenue dans une communauté religieuse et à laquelle on rendait visite pour s’en divertir. Il restait, comme on voit, bien des choses à faire encore pour arriver à l’idée si simple de soumettre ces malheureux à un traitement scientifique, mais du moins ils gardaient la vie sauve et n’avaient plus à redouter la surexcitation des exorcismes.

Les parlements et le clergé firent un suprême effort pour ressaisir le redoutable pouvoir que Louis XIV leur