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fussent par les esprits sérieux de l’époque, ces sottises n’étaient point disposées à mourir ; avant de disparaître elles allaient bouleverser la France et se donner en spectacle comme des farces de tréteaux qui auraient un dénoûment sinistre.

Le grand siècle, le siècle de Richelieu[1] et de Louis XIV, est sous ce rapport aussi bête que les précédents, jusqu’au jour où Colbert, outré de dégoût par tant de niaiseries impitoyables, défend d’évoquer les affaires de sorcellerie. Trois histoires de possession, dont le souvenir est resté dans toutes les mémoires, occupent les premières années du dix-septième siècle, celle de la terre de Labourd en 1609, celle des ursulines d’Aix en 1611, celle des ursulines de Loudun, de 1632 à 1639 ; les noms de Gauffridi et d’Urbain Grandier ont été popularisés par le théâtre et par le roman. Ce furent de véritables épidémies hystériques[2] qui saisirent des

  1. Le cardinal de Richelieu pourrait figurer dans cette étude à titre de fou, si l’on en croit la princesse Palatine, qui a écrit en date du 5 juin 1716 : « Le cardinal de Richelieu, malgré tout son talent, a eu de grands accès de folie ; il se figurait quelquefois qu’il était un cheval ; il sautait alors autour d’un billard en hennissant et en faisant beaucoup de bruit pendant une heure et en lançant des ruades à ses domestiques ; ses gens le mettaient ensuite au lit, le couvraient bien pour le faire suer, et quand il s’éveillait, il n’avait aucun souvenir de ce qui s’était passé. » (Lettres de Madame, duchesse d’Orléans ; édit. Brunet, t. Ier, p. 240.)
  2. Il faut bien s’entendre sur les mots afin d’éviter toute confusion, et l’on doit d’abord reconnaître que les locutions employées dans la conversation n’ont point le sens précis que la science leur attribue. Le mot hystérie est une expression vicieuse qui ne rend point du tout ce qu’elle semble vouloir dire, car l’organe dont cette maladie tire son nom, organe spécial à la femme, n’est point exclusivement le siège d’un mal auquel les hommes n’échappent pas. Les gens du monde donnent généralement à ce mot une acception qu’il ne comporte pas et le confondent trop souvent avec l’érotomanie et la nymphomanie. Ces vocables désignent trois affections nervoso-mentales parfaitement distinctes. L’hystérie est produite par un manque d’équilibre dans le système nerveux, par un affaiblissement des grands nerfs ; c’est un délire partiel, triste, théâtral, avec propension excessive au suicide ; elle participe de la mélancolie et de la lypémanie d’Esquirol ; Roller l’appelle la mélancolie agitée et Moreau (de Tours) la nomme la folie névropathique. L’érotomanie est l’amour platonique dégénéré en aberration, c’est l’amour de don Quichotte pour Dulcinée. La nymphomanie, pour les femmes, le