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république : il est des maux qu’on peut amoindrir, qu’on doit combattre, mais qu’il est impossible d’effacer subitement, d’un seul coup. À la proposition de Thuriot la Commune de Paris répond quatre jours après par un arrêté où il est dit : « Quant aux mendiants valides, lesquels ne peuvent être que fort suspects, les agents nationaux prendront des mesures promptes et sévères pour leur faire cesser leur infâme métier. » C’est là qu’on s’arrêta fort heureusement, car je ne sais jusqu’où l’on aurait été sur cette pente, si les événements, qui se précipitaient avec une violence sans pareille, n’avaient entraîné tous les esprits vers d’autres préoccupations.

Le Directoire ne fut point sévère à la tribu de la mendicité : on lui laissa les allures libres et elle en abusa ; aux carrefours, sur les ponts, à l’angle des rues, au coin de chaque borne, les béquillards et les malingreux tendaient la main, psalmodiant leur plainte monotone comme au bon temps du roi Robert. Délivrée de la rigidité des jours passés, la société française se reprenait à la vie par ce que celle-ci a de plus malsain, les plaisirs faciles, l’immoralité consentie, le jeu, les spéculations hasardeuses ; le marquis de Sade était l’écrivain le plus écouté, et, sous prétexte d’élégance, les femmes se montraient presque nues en public. La sensibilité était plus que jamais à l’ordre du jour ; il eût été cruel de chasser ces pauvres pauvres, comme on disait alors, et on les laissait pulluler dans Paris où, les jours de gala, ils assiégeaient la porte des hôtels qu’habitaient les fournisseurs enrichis. Cependant, lorsqu’ils devenaient trop importuns, lorsque leur nombre s’était augmenté dans des proportions qui menaçaient d’inquiéter la sécurité publique, on les arrêtait par bandes et on les jetait dehors avec une bourrade et le conseil de ne plus revenir. Une fois dans la campagne, ils ne restaient pas oisifs