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le bâtiment Lassay. La perspective à cette hauteur est à la vérité splendide : elle embrasse tout Paris jusqu’aux collines de Belleville, de Saint-Cloud et de Meudon ; mais les vieilles sont blasées sur ce spectacle, que la faiblesse de leur vue leur rendrait du reste indifférent. Ce qu’elles aiment dans ces deux chambres, ce sont les chambres mêmes, qui cependant ne sont point belles.

La Forêt-Noire est bien nommée : c’est un long dortoir dont le plafond est soutenu par une telle quantité d’étais, qu’on le croirait élevé sur pilotis ; de plus, vingt et une grosses poutres transversales sont placées si bas, qu’elles forcent un homme de taille moyenne à se courber. La chambre des Treize, ainsi appelée à cause du nombre de lits qu’elle contient, est également empêtrée de poutrelles et de soliveaux. En outre, ces deux salles sont faites en brisis ; le plafond, suivant la forme du toit, s’abaisse tout à coup et tombe sur le plancher à angle obtus. C’est cette disposition si désagréable aux yeux, si contraire à l’hygiène, qui rend ces chambres précieuses aux pensionnaires ; dans l’intervalle relativement considérable qui sépare leur lit de la muraille inclinée, dans ces recoins, elles installent quelques meubles, et trouvent moyen d’établir là une sorte de retrait qu’elles nomment pompeusement leur salon. Être dans la chambre des Treize ou dans la Forêt-Noire est pour ces pauvres femmes un rêve toujours caressé, et que bien souvent la mort empêche de réaliser. Et cependant, pour atteindre à ces lieux fortunés, il faut gravir une centaine de marches, ce qui est bien dur pour des jambes de septuagénaire.

Le besoin d’isolement qui travaille toutes ces vieilles ne montre-t-il pas combien la vie forcée en commun est pénible pour la plupart des natures ? Ce besoin de fuir une compagnie imposée, de se recueillir, apparaît en-