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quetterie des pensionnaires est inexprimable, et, lorsque vient le jour de visite ou le jour de sortie, elles n’ont ni fin ni cesse qu’elles n’aient affublé leur vieille personne de quelque bel affiquet tout battant neuf.

Cette coquetterie est-elle tout à fait platonique ? Si l’on pouvait lire les correspondances qui bien souvent sont échangées entre Bicêtre et la Salpêtrière, on hésiterait à en répondre. Lorsque pour les besoins du jardin, pour des transports de bois, pour ce que l’on appelle les gros ouvrages, on fait venir au boulevard de l’Hôpital quelques-uns des pensionnaires les moins invalides de Bicêtre, on ne peut imaginer de quels soins ils deviennent immédiatement l’objet de la part des pauvres vieilles, qui les regardent passer avec des regards pleins de convoitise, de promesses et d’attendrissement. Si elles maudissent quelque chose, ce n’est point leur âge, c’est la discipline qui les arrête plus souvent qu’elles ne voudraient. Leur cœur est encore si faible, si enclin aux doux épanchements, que le dimanche et le jeudi, pendant les trois heures réglementaires où l’entrée de l’hospice est rendue publique, on est obligé de les surveiller d’une façon spéciale pour les empêcher de donner leur ration à de vieux gueux sans vergogne qui, sous prétexte de venir les voir, se font nourrir par elles, et leur extorquent les quelques sous qu’elles ont pu gagner pendant la semaine.

La compassion intéressée qu’elles éprouvent pour les débris du sexe auquel elles n’appartiennent pas, elles ne la ressentent guère les unes pour les autres. Entre elles, ces femmes sont acariâtres, sottisières et mauvaises. Elles se disputent sans cesse, se prennent au bonnet, et l’on a bien de la peine à mettre du calme au milieu de cette engeance endiablée. Lorsqu’elles entrent à l’hospice, emportées par la mobilité d’impressions naturelle aux femmes, elles se lient avec leurs