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avait traversé, il est vrai, ces vieilles salles imprégnées de la contagion de deux siècles, mais sans dépasser la mesure qu’il observait dans les autres quartiers de Paris ; sur 5 000 pensionnaires, on ne compta que 546 malades et 328 décès. De 1832 à 1849, des améliorations matérielles sans nombre furent apportées à la Salpêtrière ; les services furent organisés avec plus de soin, les cours dégagées, les dortoirs agrandis, ce qui permit de remédier à l’entassement des lits. Quand 1849 arriva, on était donc légitimement en droit d’espérer que l’épidémie serait cette fois plus clémente encore. Il n’en fut rien. On eût dit qu’ouverte dans la direction de l’est, d’où vient le choléra, la Salpêtrière recevait les premiers coups et les amortissait au bénéfice de la ville tout entière. Il y eut en 1849, sur cette malheureuse maison, deux attaques distinctes qui l’ont décimée. La première eut lieu au mois d’avril ; sur 4 252 pensionnaires, 546 furent atteintes par le fléau, et 422 moururent ; la seconde, aussi brutale, profita des grandes chaleurs et se manifesta au mois de juin. L’hospice n’avait plus qu’une population de 3 710 individus ; le choléra en frappa 542 et en tua 420.

Dans l’intervalle de ces deux assauts, le mal et la mort s’étaient ralentis, sans cesser cependant leur œuvre de destruction. Aussi, lorsque l’épidémie disparut et que l’on fit les comptes funèbres, on constata que, sur 1 859 personnes atteintes, 1 402 avaient péri. Dans certains dortoirs, la mortalité fut effroyable. À la salle Sainte-Madeleine, réservée aux cancérées et aux gâteuses, il y avait une cholérique sur deux pensionnaires, et les décès s’élevèrent au chiffre énorme de 84 pour 100. Le personnel des surveillantes, des infirmières, des médecins, fut admirable d’abnégation, et le directeur de la maison mourut debout, brisé par le fléau contre lequel il luttait au premier rang.