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les infirmes, les employés, on tua tout, jusqu’aux enfants idiots. En parlant de ceux-ci, un des assassins dit un mot qui a été retenu : « Ces petits-là, c’est plus dur à abattre que des hommes. »

Aujourd’hui il n’y a plus de criminels à Bicêtre. Depuis 1836, depuis que sur la place de la Roquette on a élevé le dépôt des condamnés, la maison est devenue exclusivement hospitalière ; elle est à la fois un hospice ouvert aux vieillards, aux infirmes, et un asile réservé aux aliénés, aux épileptiques et aux idiots. C’est de Bicêtre, considéré comme hospice de la vieillesse (hommes), que nous avons à nous occuper actuellement[1].

L’édifice est énorme. C’est un vaste château royal d’un style un peu froid, rendu incohérent par des adjonctions successives ; mais sur la colline qu’il occupe au bout d’une belle avenue de marronniers, il a grand air et s’étale majestueusement dans le paysage. Il domine et découvre Paris, qui, couché dans la brume bleuâtre, apparaît comme une immense ville indécise et fantastique. Placé au sommet d’un coteau que continue une plaine sèche et pierreuse, Bicêtre a longtemps souffert de la soif ; il manquait d’eau, il n’avait ni puits ni fontaine ; chaque jour on allait chercher l’eau à la Seine, au port l’Hôpital, à peu près à l’endroit où s’élève aujourd’hui le pont d’Austerlitz.

Une telle pénurie d’un des éléments indispensables à l’existence créait un inconvénient assez sérieux pour

  1. Dès le 3 septembre 1870, on a commencé à évacuer Bicêtre ; les aliénés, les épileptiques, les idiots ont été dirigés sur divers établissements de province : les infirmes et quelques vieillards ont été envoyés à Garches, à l’hospice de la Reconnaissance (Brezin) ; d’autres ont préféré se rendre dans leur famille, et ont reçu une indemnité quotidienne de 1 fr. 50 c. Bicêtre fut livré à l’autorité militaire, qui en fit un hôpital où 8 176 varioleux, dont 1314 sont décédés, ont trouvé place en décembre 1870. La maison a été rendue à sa destination normale au mois de juillet 1871.