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Je me suis arrêté à regarder une fillette de quatre ou cinq ans qui avait la rougeole. Blonde et charmante, vêtue d’une camisole de cotonnade à fleurs roses, portant au cou le collier de dépôt, elle dormait, agitée, fiévreuse, visitée par un cauchemar. Tout à coup elle se réveillait en sursaut avec un geste d’effroi, regardait autour d’elle, ne voyait que mon visage inconnu, jetait les yeux de tous côtés et, avec découragement, remettait sa pauvre petite tête sur l’oreiller. On est très-bon pour ces enfants, on cherche à les désennuyer. Au lit, ils ont des images à regarder ; dès que la convalescence leur permet de se lever, on leur donne des joujoux ; mais la gaieté ne leur revient guère, et j’en ai vu plus d’un, assis sur le parquet, tenant un pantin entre ses bras, immobile, regardant machinalement devant lui et perdu dans une de ces rêveries profondes qui, à cet âge, nous semblent si mystérieuses.

Comme les autres hôpitaux, l’hospice des Enfants-Assistés possède, loin des pavillons occupés, une salle de repos où l’on garde les morts ; c’est dans un cercueil banal, en chêne garni d’armatures de fer, afin qu’il dure longtemps, qu’on les emporte revêtus d’une longue chemise blanche qui les enveloppe tout entiers ; on les confie à la terre nue après que l’église a prié sur eux ; mais pour ceux-là nul parent ne suit le petit corbillard ; ils s’en vont comme ils sont venus, indifférents à tous, et ne laissent aucun regret derrière eux. Sur la table d’autopsie, il y avait deux cadavres, maigres, déjà marqués de taches violettes ; l’un était celui d’un hydrocéphale, vaste tête qui semble faite pour le génie, et où l’idiotie va presque toujours se loger. De grosses mouches vertes bourdonnaient autour d’eux. C’est presque un soulagement de voir morts des enfants à qui était réservée la destinée qu’on peut prévoir. Ils ne sont pas